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Tout est en place pour que « l’invisible présence » des bonus de constructibilité pour transformer des bureaux en logements, y compris par reconstruction soit désormais utilisée

Pour faire face à la crise du logement et compte tenu des chiffres relatifs à la vacance des bureaux (en Île-de-France, 4,4 millions de m² sont aujourd’hui inoccupés), le législateur ne cesse de créer des leviers favorisant la transformation de bureaux en logements1. Cette actualité offre l’opportunité de revenir sur un dispositif ciblé existant depuis la loi ELAN de 2018, encore trop peu connu et donc rarement utilisé par les porteurs de projets : l’article L. 152-6, alinéa 3 du Code de l’urbanisme, qui permet certaines dérogations en matière de logement social, de stationnement ou de densité dans la limite de 30% du gabarit existant, en cas de réhabilitation et même de reconstruction d’un bâtiment pour réaliser des logements.

Rappels utiles sur ses conditions d’application (I), et les optimisations qu’il permet (II).

I. Les conditions d’obtention de la dérogation

A. La localisation et le « contexte » du projet

Il existe deux conditions pour obtenir une dérogation.

La première condition concerne l’emplacement des opérations de transformation de bureaux en logements.

Auparavant, ces opérations devaient être réalisées dans des communes classées en « zone tendue 2». Toutefois, la réforme PPL Huwarta supprimé ce critère, permettant désormais d’appliquer cette dérogation sur l’ensemble du territoire national.

La seconde condition prévoit que l’autorité compétente peut accorder une dérogation en tenant compte de la nature du projet ainsi que des caractéristiques de la zone d’implantation.

Bien que la loi 3DS4 ait supprimé l’obligation de motivation, l’autorité reste tenue, dans son appréciation, de prendre en considération des éléments tels que le respect des obligations en matière de logements sociaux, la desserte par les transports en commun, la disponibilité des aires de stationnement et la morphologie des constructions avoisinantes, même si elle n’a plus à les justifier explicitement dans sa décision de délivrance du permis de construire.

B. La nature des travaux

Les opérations pouvant bénéficier de dérogations sont celles visant à transformer un bâtiment existant (à usage de bureaux, d’entrepôt, de parking, etc.) en un immeuble dont l’usage principal est l’habitation.

Cet usage doit être justifié par la part majoritaire de la surface de plancher consacrée à l’habitation.

Par exemple, un projet comportant une surface légèrement plus importante dédiée aux logements qu’aux bureaux peut répondre à ce critère4. Par ailleurs, le Conseil d’État a reconnu qu’une résidence pour étudiants peut également être considérée comme un bâtiment à usage principal d’habitation6.

La notion de « transformation » est entendue de manière large, ce qui élargit le champ d’application des dérogations. Celles-ci ne se limitent pas aux seules opérations de rénovation ou de réhabilitation, souvent coûteuses et complexes, mais peuvent aussi couvrir des opérations de démolition et reconstruction.

A retenir : il est possible, selon le texte, de bénéficier de bonus de constructibilité même lorsque l’opération implique la démolition du bâtiment existant pour construire un immeuble neuf.

II. Les optimisations possibles grâce à la dérogation

A. Les règles auxquelles il peut être dérogé

Il existe trois séries de règles fixées par un document d’urbanisme auxquelles il peut être dérogé, parmi les plus structurantes :

  • la densité dans la limite d’une majoration de 30% du gabarit de l’immeuble existant,
  • le stationnement,
  • le logement socialà la condition que la commune ne fasse pas l’objet d’un arrêté de carence.

Si les deux dernières (stationnement / logement social) semblent claires, l’application de la dérogation aux règles de densité demeure délicate à traduire dans un dossier de permis de construire.

Le Conseil d’État7 a certes reconnu que la notion de « densité » inclut l’ensemble des règles de gabarit-enveloppe, ouvrant ainsi la voie à des dérogations plus larges en faveur de la densification du bâti, mais ce dispositif devra certainement faire l’objet de plus amples clarifications règlementaires ou jurisprudentielles2

B. Les bonus supplémentaires

Une dérogation supplémentaire de 15 % aux règles de gabarit peut être accordée pour des constructions « contribuant à la qualité du cadre de vie, par la création d’espaces extérieurs en continuité des habitations, assurant un équilibre entre les espaces construits et les espaces libres », dans la limité de 50% de dépassement total7. Un effort substantiel sur les espaces extérieurs doit être alors réalisé pour prétendre à l’application de cette dérogation.

Enfin, une majoration plus exceptionnelle de 5 % peut également être accordée, par décision motivée et après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture (CRPA), pour les projets « présentant un intérêt public du point de vue de la qualité ainsi que de l’innovation ou de la création architecturale ».

Depuis plusieurs années, notre équipe intervient sur des projets mobilisant ce régime dérogatoire, dont certains sont structurants, comme la transformation de 120 000 m² de bureaux en 87 000 m² de logements. Notre équipe est ainsi en mesure d’offrir une expertise rare, enrichie d’un retour d’expérience concret et opérationnel.

Quelques précisions

Récemment, la loi de finances pour 2025 a intégré deux leviers fiscaux :

  • l’assujettissement à la taxe d’aménagement lors de la transformation de locaux en logements (avec un abattement de 50 % et possibles exonérations), pour financer les coûts des équipements collectifs rendus nécessaires par les changements de destination des locaux concernés.
  • l’exonération de la taxe annuelle sur les bureaux pour certains projets de transformation de locaux professionnels en locaux d’habitation.

La loi du 16 juin 2025 facilitant la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements a introduit :

  • une nouvelle possibilité de dérogation au PLU concernant les destinations des bâtiments pour la transformation d’immeubles tertiaires en logements (article L152-6-5 du CU)
  • la création d’un permis de construire à destinations multiples (article L431-5 du code de l’urbanisme).
  • l’adaptation des règles de la copropriété afin que la modification de la destination des parties privatives à usage autre que l’habitation, en locaux d’habitation, puisse être adoptée à la majorité simple et non à l’unanimité des copropriétaires. Néanmoins, il ne faut pas qu’elle contrevienne à la destination de l’immeuble. 

Plus précisément, il s’agit des « communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants figurant sur la liste prévue à l’article 232 du code général des impôts et dans les communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique figurant sur la liste prévue au dernier alinéa du II de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation.

3  Loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement du 15 octobre 2025.

4  Loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration 

5 CE, 20 mars 2017, n° 401463

CE, 17 décembre 2020, Sté Lapeyre, n° 432561.

CE, 10 juillet 2023, SAS Patrimoine et Valorisation Programmes, n° 462717

8 Un accompagnement juridique apparaît donc utile pour sécuriser au maximum les méthodes de calcul de la hauteur existante ou de l’emprise, et du bonus de 30 % par rapport à l’immeuble existant. Notamment, la complexité du mécanisme de dérogation et de son expression architecturale nécessite la plus grande pédagogie s’agissant de la présentation de la notice dédiée à la demande de dérogation figurant au dossier de permis de construire (PC40-3).